Conflits, règlements de compte, échange de coups, explosion de colère, injures, blessures violence, ces mots constituent le quotidien de notre réalité ; ils sont tellement fréquents qu’ils en deviennent banals. Nous grandissons avec l’idée de devoir nous protéger de l’agression extérieure, et tenter de réduire la nôtre. Les plaintes sont constantes, que ce soit dans les relations à deux, amicales ou amoureuses, dans notre travail ou dans la société entière, nous souffrons d’une dégradation des relations à l’autre, nous protestons contre le sans-gêne, l’égoïsme, le manque de prévenance, les manipulations, les abus de pouvoir et souvent nous l’acceptons par peur de perdre notre place, notre face. Nombreux sont ceux qui ne se sentent pas respectés, entendus, salués dans leur humanité, leur dignité bafouée. Nombreux sont ceux dont l’honneur est froissé, dont l’âme est humiliée, qui s’avouent lésés ? Sommes-nous devenus trop sensibles ? Faut-il s’en accommoder, poser délicatement un mouchoir sur notre amour-propre meurtri et proclamer avec un brin de feinte et de fierté, comme les enfants, « même pas mal ! ». Est-ce un phénomène nouveau amené par la modernité ? Ou bien l’humain est-il violent par nature comme le disait Plaute « l’homme est un loup pour l’homme » ? Faut-il pour affirmer son identité nécessairement nier celle des autres ? Devons-nous systématiquement nous battre pour défendre notre territoire ? Le poète a-t-il raison lorsqu’il affirme : « ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent » (V. Hugo, Les Châtiments). Loin de toute idéologie pacifiste et utopique, peut-il exister une forme d’autorité sans agressivité ? Tout pouvoir s’accompagne-t-il inéluctablement de violence et si la violence est ressentie chaque fois que ma volonté est contrée, peut-il y avoir une loi sans contrainte ? La limitation de la liberté de l’un pour permettre l’épanouissement de l’autre est-elle toujours une forme de cruauté ? Faut-il se résigner, renoncer et subir parce que comme le dit avec humour Woody Allen « L’homme exploite l’homme et parfois, c’est le contraire » !?
Si l’on se penche sur les archétypes humains que nous présente le texte biblique, on s’aperçoit que le premier couple de l’humanité, Adam et Ève, aurait pu bénéficier d’un conseil conjugal. En effet comme le constate André Neher, ils ne s’adressent jamais directement la parole et inventent un jeu que nous avons tous pratiqué un jour ou l’autre : accusé par Dieu d’un manquement Adam pointe son doigt rageur et dit très élégamment : ce n’est pas moi, c’est la femme que tu m’as donnée qui est responsable de la désobéissance. « C’est elle ! » (Gen.3 :12), s’exclame-t-il à la troisième personne. Pour ne pas être accusée à mon tour d’un sexisme réducteur, la femme dit aussi « ce n’est pas moi, c’est le serpent ! »(v 13). Bref, les relations humaines commencent dans le refus de toute responsabilité, l’accusation de l’autre pour éviter la punition, le mensonge et la fuite, un bel exemple de ce que la théorie de Bern aurait appelé une triangulation victime-bourreau-sauveur ! À la génération suivante avec Caïn et Abel, cette absence de dialogue est portée à son paroxysme. Tout se passe comme si Caïn essayait de parler à son frère Abel, mais aucun son ne sort de sa bouche : Vayomer kain el hevel ahiv (Gen.4 :8), Caïn dit à son frère Abel, puis rien, le texte est silencieux. Le verset suivant reprend la narration « Et il arriva que lorsqu’ils furent dans le champ, Caïn se levât contre son frère Abel et le tua ». Il semble que l’absence de paroles ait conduit au meurtre, que le silence entre les frères était porteur de mort. Emmanuel Lévinas l’affirme « Le fait banal de la conversation quitte, par un côté, l’ordre de la violence […]Parler institue donc le rapport moral d’égalité et par conséquent reconnaît la justice » (Difficile Liberté, p.21). Encore aujourd’hui lorsque les coups se substituent aux mots mêmes si les mots portent coups et blessures morales – la parole reste cependant une preuve d’humanité là où le coup peut tuer. « Rends mon âme insensible à l’offense », dit Mar Ravina dans le Traité Berakhoth (17a), si le coup répond à l’insulte aussi dévastatrice soit -elle, on entre dans une spirale de violence inéluctable. Le conflit qui oppose les deux frères – et peut-être à travers eux deux visions du monde, celle du fermier et du berger – semble naître dans la jalousie du rapport à Dieu. Deux enfants se battent pour l’amour divin ; encore une rivalité que nous connaissons bien, quelle que soit la figure parentale. Nous essayons de nous approcher d’une source de pouvoir, voulons être aimés de manière jalouse et absolue, unique et exclusive ! C’est de ce récit que nous apprenons la sainteté de la vie, car le traité Sanhédrin nous dira que la vie de chaque individu étant infiniment précieuse, « celui qui tue une personne, c’est comme s’il avait tué l’humanité entière » (M. Sanh. 4 :5). Cela n’exclut pas bien sûr, la légitime défense, car la tradition juive n’a pas pour habitude de louer la passivité face à la violence, à la différence d’autres philosophies. La violence est parfois nécessaire lorsque face à soi, se trouve la folie meurtrière. Elle devient la seule réponse possible. Mais dans la vie quotidienne, en dehors des sha’oth hadehak, de ces moments d’urgence, où nous devons préférer réagir plutôt que de se laisser mourir, les mots peuvent apporter la douceur de l’articulation. La parole peut certes être une arme, mais elle reste moins virulente que le coup porté au visage de l’autre. Elle est civilité. Mettre des mots sur une pensée, c’est l’habiller d’un vêtement d’humanité. La parole permet de biaiser le coup, de le temporiser en traduisant le sentiment par des mots, de faire transiter la violence du sentiment par l’élocution. « Car la langue, écrit Franz Rosenzweig (L’Étoile de la Rédemption, p.134) est véritablement le cadeau de noces que le Créateur offre à l’humanité […]c’est le sceau de l’humanité dans l’être humain ». C’est ainsi que le vidoui, l’expression des sentiments envers les autres ou envers soi-même permet d’atténuer la blessure et de la faire sortir de soi. Les cauchemars que l’on raconte perdent de leur vivacité, les conflits explicités allègent leur lourdeur. Si une oreille attentive et sans jugement nous entend, nous nous sentons libérés de bien des heurts, le contour des blessures s’estompe ce qui permet la plupart du temps de désamorcer les explosions exacerbées, comme une vague dont l’écume se noie dans l’océan. Chaque fois que deux êtres se rencontrent, que deux libertés s’affrontent, il y a un risque de violence, une potentialité de lutte entre liberté et pouvoir. Quand l’affirmation du moi est trop forte, quand je m’impose à l’autre, quand mon prochain devient l’objet de ma volonté, le jouet de mon bon vouloir. Chaque fois que le « Tu » devient un « cela » explique Martin Buber, chaque fois que l’autre est objet d’une relation et perd sa qualité de sujet, il devient chose et perd son humanité. C’est vrai pour les relations amicales, mais aussi amoureuses ; lorsque l’un veut posséder l’autre, il s’aperçoit que l’autre lui échappe toujours, indéfiniment. L’autre ne se réduit jamais à une définition, je ne peux l’enfermer dans un amour sinon l’amour se meurt ; l’objet étant possédé, son âme éprise de liberté s’enfuit. L’autre ne se livre jamais tout à fait sinon il devient objet d’amour et non sujet d’amour. « Qu’est-ce que faire l’amour ? questionne Alain Finkielkraut, c’est languir après le tout proche, comme si, une fois levés tous les obstacles, dans le contact des peaux et l’entrelacement des épidermes, l’Autre se refusait encore de se laisser prendre ». (La sagesse de l’amour, p.79). Et il affirme : « Il y aurait une manière de s’incliner devant l’autre qui ne serait pas assujettissement »( p.75). Pour la Bible, la violence naît avec l’humain, mais en même temps est créé son remède. Lorsque Ève goûte au fruit de la connaissance du bien et du mal et le partage avec Adam, elle partage aussi la capacité de faire le bien, la possibilité de contourner la violence et de développer avec lui une relation d’égal à égal. Seul problème, cela ne marche pas ou en tout cas pas dans l’immédiat ! L’humanité a besoin d’apprendre et en attendant, nous dit le texte, une moitié de la population va dominer l’autre dans un système patriarcal dont nous ne nous sommes pas encore entièrement libérés aujourd’hui, dont nous sommes tout juste en train de soulever le voile !
Si la parole, les mots sont une étape nécessaire vers l’humanité et l’atténuation de la violence, ils ne sont pas suffisants, et il s’agit de faire une bonne utilisation du langage. Que se passe-t-il à l’échelle d’une société ou d’une entreprise ? Pour bâtir, construire, faut-il triompher de ceux qui résistent ? Le pouvoir s’obtient-il par l’usage de la force ou bien peut-on imaginer une forme de pouvoir consensuel, un pouvoir ensemble au lieu d’un pouvoir sur. Quittons la relation à deux d’amitié ou d’amour pour envisager la construction d’une société. Si la hiérarchie pour imposer une loi commune est nécessaire, doit-elle se mettre en place avec la menace et la peur, l’humiliation et la crainte ? Regardons un autre exemple biblique de construction : celui de la tour de Babel. Les êtres humains veulent construire une tour qui atteindra le ciel, mais cette entreprise est arrêtée par Dieu qui les dispersent sur la surface de la Terre en confondant leur langage. (Gen.11) Que s’est-il passé à Babel dont le nom signifie justement la « confusion » ? Le midrash répond à cette question avec force : pendant la construction de cette tour lorsqu’un homme tombait et mourait, les autres bâtisseurs n’y prêtaient pas attention, mais lorsqu’une brique tombait, ils jeûnaient et se lamentaient (PRE 24 ; MHG 11 :3). Ainsi à Babel, les briques avaient plus de valeurs que les êtres humains. D’où la confusion : on assiste à une inversion des valeurs semblable à celle que l’on voit aujourd’hui lorsque l’appât du gain peut passer devant le souci de l’humain. Les individus perdent alors souvent leurs noms, pour n’occuper que des fonctions, il est plus facile ainsi de les déplacer ou de les renvoyer. Ils n’ont plus de visages, ils deviennent des entités définies par la place qu’ils occupent dans une structure. Non pas que l’entreprise ou le développement technologique soit mauvais, bien au contraire, mais les humains ne doivent pas être réduits à n’être que la main d’œuvre d’un projet, une force de travail, simple moyen d’atteindre une fin qui les dépasse en les anéantissant. « Notre mission, écrit le Rabbin John Rayner, est effectivement de construire ; mais elle ne consiste pas dans son essence à construire des tours plus hautes ou des machines plus performantes : elle consiste à construire des êtres humains meilleurs et une société plus harmonieuse ». (An Understanding of Scripture, p.16) C’est le même phénomène décrit en Égypte où s’installe l’esclavage, où les Hébreux sont soumis au pouvoir pharaonique qui les oppresse. Et plus ils se plaignent, plus l’étau du totalitarisme se resserre et provoque la souffrance. Face à ce pouvoir destructeur, se lève un pouvoir libérateur, celui auquel nous faisons sans cesse référence dans notre tradition Anokhi Adonaï elophékha asher hotsetikha merets misrayim mibeit avadim « Je suis l’Éternel ton Dieu celui qui t’as fait sortir d’Égypte, d’une maison d’esclavage » (Ex. 20 :1). Avedouth l’esclavage est remplacé par avoda le culte ou le travail et par la loi qui garantit le droit et la liberté de chaque individu. Il ne s’agit pas de créer une liberté anarchique, mais une liberté raisonnée, inspirée d’une loi éthique. La tradition juive ne nie pas toute forme de hiérarchie ou d’ordre, mais elle place Dieu directement au-dessus de chaque être humain, garantissant sa dignité et empêchant qu’un despote qui use et abuse du pouvoir ne la foule aux pieds. La sortie d’Égypte est mentionnée chaque fois que nous récitons le kiddoush du soir de shabbat – ce shabbat, invention du judaïsme, qui nous rend libres, libres de nous arrêter de travailler un jour par semaine, et de consacrer ce jour à notre élévation spirituelle. « Qu’est-ce que le shabbat ? interroge Abraham Heshel : « un rappel de la royauté de chaque être humain ; une abolition de la distinction entre maître et esclave, riche et pauvre, succès et échec. Célébrer le shabbat, c’est faire l’expérience d’une totale indépendance envers la civilisation, la société, l’efficacité et l’angoisse. […] Le shabbat c’est la présence de l’éternité, c’est un moment de majesté, une radiation de joie ». (Dieu en quête de l’homme, p.439). Les six autres jours de la semaine doivent aussi être éclairés de la lumière du shabbat. Le travail doit être source d’élévation et non d’abaissement, les ordres donnés doivent l’être avec respect et non condescendance, avec déférence et non avec mépris pour sortir d’un cercle infernal guidé par une volonté de domination des uns et un instinct de soumission des autres. Je suis certes soumis à la loi, source de liberté, mais pas à un pouvoir humain qui détournerait le droit à son avantage, pour faire valoir sa toute-puissance. Le pouvoir peut être ainsi défini comme yekholeth, la capacité de créer et non de détruire, d’élever et non d’assujettir, d’épanouir et non de brider, de libérer et non d’inféoder. Telle est le vrai pouvoir comme le dit si bien Hanna Arendt : « Le règne de la pure violence s’instaure quand le pouvoir commence à se perdre ». (Sur la violence, p.154). Ainsi la violence est non une expression du pouvoir, mais d’un abus de pouvoir, comme si le tyran déclarait forfait lorsqu’il laissait libre cours à un surplus de rage, un excès de haine, lorsqu’il laisse déferler son instinct viscéral et les Pirkei Avoth, Traité des Principes, nous rappellent sagement : « Celui qui est maître de ses passions surpasse celui qui s’empare des villes. Moshel berouho miloked ir »(4 :1). Sans nier la nécessité des lois et la structure hiérarchique nécessaire de toute société, le pouvoir peut s’exprimer dans la collégialité. Ainsi la définition du pouvoir n’est plus la force koah mais yekholeth la capacité à réaliser des projets, capacité transversale, par laquelle les collègues et non les subordonnés sont amenés à donner le meilleur d’eux-mêmes parce que leur humanité est saluée, parce que leur part de divinité est reconnue.
Alors si notre Dieu est défini comme donneur de liberté et non donneur de leçon, la tradition juive nous présente une conception du pouvoir bien éloigné de la violence. Un des noms de Dieu est Shadaï, précisément celui qui évoque l’attribut de la Toute-Puissance. Mais de quelle omnipotence s’agit-il ? Shaddaï signifie les seins- avec un « e ». Le Dieu tout-puissant est par conséquent un Dieu nourricier, qui donne la capacité de grandir. C’est un Dieu que l’on doit imiter, qui commence par observer les commandements avant de nous ordonner de le faire, comme pour le shabbat ou la justice. Dieu doit se soumettre à la loi que Dieu impose, comme tout bon professeur, il nous montre l’exemple. Ainsi notre Autorité ultime et transcendante, notre référence n’est pas au-dessus de la loi, même si la loi n’est pas une idole puisqu’elle évolue en fonction de notre perception toujours plus exigeante de l’éthique. La structure de la communauté juive n’est pas non plus celle d’un pouvoir tyrannique, puisque chaque communauté se choisit un sheliah tsibour, quelqu’un qui est mandaté par elle pour diriger un office. Chaque communauté se choisit un rabbin, chaque personne se choisit un maître de référence qui l’aide à penser sans pour autant penser à sa place. L’étude est encouragée pour tous et c’est elle, avec les actions de justice et de générosité, qui est à la source de la reconnaissance. C’est la sagesse qui confère le pouvoir, non la naissance, l’ancienneté ou la place dans la société – et le sage est celui ou celle qui utilise son pouvoir à réaliser son bien et celui d’autrui. La diversité d’opinions est aussi encouragée dans une tradition non dogmatique où personne ne prétend détenir la vérité. Contrairement aux pensées totalitaires et violentes qui ont toujours fait de la lutte contre toute forme d’opposition une priorité, le judaïsme a fait de la diversité d’opinion son fer de lance, l’objet de sa fierté. L’autorité est sans cesse remise en cause ce qui a fait dire à Ben Gourion face à son homologue américain qui se plaignait de son nombre d’administrés, « oui, mais moi j’ai trois millions de présidents » ! La diversité est saluée comme une richesse de l’humanité et les conflits sont positifs, s’ils ne sont pas mus par des volontés de pouvoir : « kol mahloketh shehi leshem shamayim sofa lehitkayem toute discussion qui est pour l’amour des Cieux trouvera de bonnes conclusions (V,20) », comme celle de Hillel et de Shammaï, mais celle qui n’est pas pour l’amour des Cieux, aura de mauvaises conséquences comme celle de Korah et de ses partisans qui étaient mus par une volonté de puissance. Il n’est donc pas surprenant que le premier homme a avoir été appelé « juif » dans la Bible « Yehoudi »(Est. 2 :5), le louangeur est celui qui a refusé de se prosterner devant un pouvoir humain et tyrannique : Mardochée. Dans une telle conception, on peut se demander si le rapport de force est toujours nécessaire, s’il faut proférer des menaces et instiller la peur pour qu’un message passe ou manœuvrer le levier de la culpabilité pour initier le progrès comme beaucoup le font en ces jours de Yamim Noraim. Jours terribles dit-on souvent ? Ils ne sont pas si terribles ! Ils doivent nous inspirer non la terreur et le tremblement, mais l’émerveillement et la joie, celle de pouvoir décider quel chemin nous allons emprunter et nous inviter à signer le tableau de notre vie. La peur n’est pas nécessaire, mais le simple rappel des conséquences bonnes ou mauvaises de nos actions, et surtout l’immense chance que nous avons d’avoir la capacité de changer notre vie et de changer le monde qui nous entoure, ne serait-ce qu’un tout petit peu.
S’extraire de la violence n’est pas facile, celle que nous nous infligeons à nous-mêmes, celle que nous infligeons aux autres, celle que nous acceptons de subir. C’est un formidable acte de liberté et de force. Dire non à la violence, oui à la capacité d’être et de créer. « Il ne serait pas exagéré de définir la violence comme une force faible » (le pur et l’impur ) dit Vladimir Jankelevitch. Avoir recours à la violence dans le quotidien de notre vie, dans nos relations d’amour ou d’amitié, dans notre travail, dans notre vie spirituelle, c’est déclarer forfait de notre humanité. Sachons être forts sans nous taire, sachons être sincères sans exagérer, sachons être sages avec conviction, dans une écoute infinie de l’étincelle divine qui se reflète dans l’âme de notre prochain. Sachons lutter pour le bien, bekhol meodénou, avec toutes nos capacités. Parfois un message essentiel et puissant se trouve non dans un coup de tonnerre, mais dans un silence entre deux petits points comme nous le dit cette histoire : un petit enfant apprenait à lire l’aleph beth, l’alphabet hébraïque. Son rabbi lui dit solennellement : lorsque tu vois ces deux petits points l’un à côté de l’autre, il s’agit de deux youd, ne les prononce pas, ils forment l’abréviation du Nom de Dieu, tu liras à la place « Adonaï » ; le petit enfant fier de sa nouvelle sagesse arrive à la fin d’une phrase où il y a deux points l’un au-dessus de l’autre. Comme il s’apprête à énoncer le nom divin, son maître l’arrête gentiment et lui dit « non », ici ce n’est pas le nom de Dieu. L’enfant incrédule interroge son maître du regard et dit : Rabbi comment peux-tu me dire, une chose et son contraire ? Le Rabbi reprend en murmurant, tu vois ces deux points sont l’un au-dessus de l’autre, c’est un signe de ponctuation, alors que les autres sont l’un à côté de l’autre. Lorsque tu vois un point au-dessus d’un autre, qui le toise de haut, jette un regard de supériorité et de condescendance sur celui qui est plus bas que lui, tu ne peux pas trouver le Nom de Dieu. En revanche, chaque fois que tu vois un point regarder un autre droit dans les yeux, respecter l’autre comme son prochain, et voir en lui l’étincelle divine, là tu trouveras le nom de Dieu. Hag saméah !
Rabbin Pauline Bebe.