Dehors, il pleut, les gouttes d’humidité dégoulinent sur les toits de Paris.
« Il pleut sur la ville, comme il pleure dans mon cœur ». Une journée somme toute normale.
En Israël, le ciel pleure de roquettes qui s’abattent quelques minutes après le retentissement des sirènes, les téléphones sonnent, les haut-parleurs crient et souvent l’on court dans l’abri le plus proche, le מקלט, l’escalier, le ממד. On y retrouve les voisins hébétés qui n’ont pas fermé l’œil de la nuit.
Le téléphone, la télévision, tout parle, les journalistes parlent, les soldats disent de temps à autre qu’ils vont bien et rassurent leurs proches, on ne s’inquiète plus du temps passé devant les écrans. Les soldats parlent mais ils ont la peur au ventre, ils savent que la guerre n’est pas belle. Ils savent que leurs amis y ont perdu la vie, ils savent que l’ennemi ne fait pas de quartier. Et au milieu de ce brouhaha de ce תהו ובהו, tohu bohu, il y a le silence, le silence des corps sans vie, celui des enfants qui se sont tus, des parents qui les ont perdus, de celui qui a vu disparaître sa grand-mère, son grand-père, de ceux qui avaient dit, il y a longtemps « plus jamais cela ». Ceux qui avaient cru qu’en construisant un nouveau pays, ils seraient protégés, ceux qui avaient semés et plantés dans le désert du Neguev, ceux qui avaient vu arabes et israéliens s’embrasser, ceux qui vivaient en קיבוץ kibboutz dans le partage de la terre, ceux qui dansaient, simplement dansaient.
« Il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville », pourtant je sais, nous savons que si l’on essaie de nous faire disparaître, c’est parce qu’au creux de notre main se trouve une petite fiole de lumière. « כל העולם כולו le monde entier גשר צר מאוד est un pont très étroit, disait rabbi Nahman de Braslav, והעיקר et l’essentiel, לא להפחד כלל est de ne pas être pris par la peur ». La peur est là, nécessaire alerte face à un danger mais elle ne doit pas nous paralyser, nous empêcher d’être qui nous sommes car sinon, sinon c’est nous-mêmes qui replions notre main sur la lumière et empêchons son partage.
Cette semaine nous reprenons la lecture de la Torah avec בראשית, un commencement. Il est facile d’abandonner tout espoir pour l’humanité, mais nous n’avons pas le droit d’abandonner.
Lorsque Dieu créé l’être humain dit le midrash, les anges l’interpellèrent : comment vas tu permettre aux méchants d’exister ? Et Dieu jette la vérité à terre, se revêt d’un manteau de compassion et déclare : « si je ne crée pas les êtres humains, les bons n’existeront pas ». Et Il créa l’ être humain. Parfois la haine, la violence, la terreur sévissent portées par des bêtes à visage humain mais ceux qui ont un visage ne doivent pas laisser les autres les dévisager, les priver d’humanité. C’est un combat de l’humanité contre la violence à l’état pur et nous devons le mener et le gagner pour permettre un בראשית un commencement.
Et rien ne justifie la terreur, il n’y a pas de « oui mais » qui tienne, d’excuse à un comportement sauvage, qui se réjouit de la mort de son prochain.
Alors, disons clairement et distinctement notre soutien, battons-nous avec des mots aux côtés de nos frères et sœurs israéliens, tendons la main pour être avec eux, un peu, là-bas et ici, ne supportons pas les « oui mais », ne laissons pas les gens bien pensants dire que peut-être…, ne pensez-vous pas être un peu responsables, ne l’avez-vous pas cherché ? »
Nous sommes responsables de nos frères humains, nous sommes les gardiens de nos frères et sœurs humains, mais nous ne devons pas flancher face à l’inhumanité. Cette petite fiole de lumière, qui illumine nos yeux quand nous lisons la Torah, celle qui dit בצלם אלהים ברא אותם que Dieu a créé les êtres humains à Son image, ne la laissons pas s’éteindre. « כל העולם כולו גשר צר מאוד le monde entier est un pont très étroit, l’essentiel est de ne pas avoir peur, כלל, du tout ».
Soyons forts et courageux pour défendre l’humanité !
Rabbin Pauline Bebe