Erev Rosh Hashana 5776 – dimanche 13 septembre 2015 (soir)
Ahoth ketana אָחוֹת קְטַנָּה « petite sœur », c’est par ce poème magnifique aux accents de soleil andalou, attribué à rabbi Avraham Hazan de Gérone au XIIIème siècle, que commence la prière de Rosh Hashana dans le rituel séfarade. Sion est comparée à une petite sœur dont le cœur a été blessé mais qui, en dépit de tout, ne se détourne pas de son chemin. En voici quelques lignes :
be no’am milim lekha tikraéna veshir hiloulim ki lekha
וְשִׁיר וְהִלּוּלִים כִּי לְךָ נָאֶה בְּנֹעַם מִלִּים לְךָ תִּקְרָאֶה
« Tu as appelé avec des mots doux et tu as prononcé des louanges, jusqu’à quand vas-tu fermer les yeux ?
veliba kare’ou ouvekhol zoth lo memekha na’ou ma’guelothéha
וְלִבָּהּ קָרְעוּ וּבְכָל זֹאת לֹא מִמְּךָ נָעוּ מַעְגְּלוֹתֶיהָ
« Ils lui ont déchiré le cœur et pourtant, c’est vers Toi qu’elle a continué à diriger ses pas ».
zemira shavat veheksha tagbir lahpots doda vaa’avir
לַחְפֹּץ קִרְבַת דּוֹדָהּ וְתַעֲבִיר זְמִירָהּ שָׁבַת וְחֶשְׁקָהּ תַּגְבִּיר
« Son chant s’est éteint mais son désir grandit, celui de côtoyer son bien-aimé. Elle veut bannir de son âme son chagrin et retrouver l’amour de ses fiançailles.
Puisse l’année qui s’achève emporter avec elle ses malédictions ! תִּכְלֶה שָׁנָה וְקִלְלוֹתֶיהָ
Et le chant se termine par des mots d’espoir :
חִזְקוּ וְגִילוּ כִּי שֹׁד גָּמַר
Hizkou veguilou
Soyez forts et réjouissez-vous, le temps du pillage est révolu…puisse l’année qui commence apporter avec elle ses bénédictions !
תָּחֵל שָׁנָה וּבִרְכוֹתֶיה
« Que l’année qui s’achève emporte avec elle ses malédictions.
« Malédictions » n’est-ce pas un mot suranné, fané, dépassé, qui nous replonge dans le monde obscur du Moyen-âge ? N’en est-il pas de même du mot « blasphème » qui semblait s’être endormi dans des livres scellés par la poussière, empilés maladroitement au sein de vieux greniers oubliés. Le temps ravive des douleurs enfouies dans les creux de nos mémoires, celles que nous voulions délaisser pour toujours. Mais voilà que les faits réveillent cruellement les mots laissant sur les lèvres un gout morbide de sang versé et sur les joues coulent des larmes inconsolables. Les événements de l’année passée nous ont laissé étourdis et les mitraillettes des soldats nous en rappellent l’actualité. La mélodie de la vie a été brutalement interrompue par le silence, au nom de mots apposés les uns à coté des autres, de slogans répétés, de textes suivis à la lettre, d’un fondamentalisme qui a redonné vie à ces lettres pour répandre le sang et la mort. Qui y a –t-il de commun entre celui qui tue pour une caricature, celui qui assassine dans un supermarché juif, celui qui poignarde une jeune femme dans une marche gaie, ou encore qui incendie une maison palestinienne ? C’est bien sûr la folie meurtrière mais au-delà, comment peut-on définir le fondamentalisme ? Quel dévoiement du religieux opère-t-il ? Comment le judaïsme s’est-il émancipé de la notion de blasphème tout en affirmant que le « dire » peut entrainer le « faire » ? Peut-on concilier la liberté d’expression avec une démarche spirituelle ?
La notion de blasphème a été explorée sous toutes ces coutures pour essayer de comprendre l’incompréhensible, saisir l’insaisissable, concevoir le déraisonnable parce qu’il s’agit justement de faire taire la raison, ce que des siècles de lumières avaient tenté d’abolir ou d’atténuer, en tout cas dans les codes. Mais si l’on assiste à une résurgence de ces concepts, s’ils séduisent certains esprits saisis de folie, c’est peut-être parce qu’ils proposent une vision simple ou simpliste du monde, réductrice et réconfortante. Il y a dans l’esprit de ceux qui sèment la terreur, un cadre posé par un système, renforcé par des maitres, auquel on ne doit pas déroger. Selon eux, certains sont dans ce cadre, d’autres à l’extérieur et ainsi chaque soldat de la terreur est un bras armé porteur d’une idée totalitaire qui ne souffre aucune remise en question. Il s’agit d’un monde en noir et blanc, un monde dualiste sans nuance et sans couleur, un monde où un dessinateur épris de liberté, une société qui défend la liberté d’expression en laissant la place à un humour acerbe, un être humain parce qu’il représente une religion, une orientation sexuelle, ou parce qu’il habite à un endroit particulier, même une trace du passé, tout ceci doit être éradiqué. Mieux vaut un trou maculé de sang que de supporter leur existence, pensent-ils. La liberté, l’égalité leur est insupportable, insoutenable, elle est un affront à leur système de pensée. Le blasphème dans cette vision est une tache indélébile dans le monde qui ne part qu’avec la mort de celui ou celle qui commet un outrage au texte sacré, à l’idée politique ou à la divinité à laquelle ils se soumettent. On assiste à une abdication de la raison devant une soi-disant révélation. Cette doctrine porteuse de mort est une idolâtrie d’un texte, d’un mot conçue comme une vérité engloutie et non mastiquée, épousée et non courtisée, répétée et non pensée. Elle implique une robotisation du criminel qui ne décelant plus l’humanité du visage de l’autre en perd souvent son propre visage en portant un masque. Le visage, c’est la différence, panim en hébreu un pluriel. Le fondamentaliste gomme les nuances du visage de l’autre, il ne voit plus qu’en lui l’ennemi d’un monde onirique et factice, pur et dangereux. Et il est souvent persuadé d’être récompensé pour ses actes qu’il croit héroïques, convaincu de rétablir la vérité et le bien. Comment est-il parvenu à une telle perversité de la pensée, comment a-t-il abandonné son libre arbitre pour se soumettre tel un esclave au dictat d’un mouvement, d’un dictateur, d’un texte ? Interrogeons notre tradition qui, en faisant le mouvement inverse a su se libérer de la notion de blasphème pourtant bien présente dans la Bible.
C’est dans le Lévitique (25 :10) que la loi sur le blasphémateur apparait crument : «Vayikov ..eth hashem vayekalel » il blasphéma le Nom et maudit », la sanction prévue par le texte n’est pas moins que la lapidation par toute la communauté. Si la tradition juive s’était arrêté à ce texte, ces mots, dans une lecture littérale – première nécessaire avant de s’éloigner du texte « ein mikra yotsé midé peshouto, affirme le Talmud, mot à mot « un verset ne sort pas de sa littéralité » (shab.63a), une lecture fondamentaliste aurait pu consister à chercher les blasphémateurs pour les punir de leur affront. Mais notre tradition heureusement n’en reste pas là ; elle ne s’arrête justement pas à la littéralité du texte ; elle la dépasse pour saisir l’au-delà du verset, pour replacer l’éthique dans une démarche prioritaire. Le Talmud rend la loi inapplicable comme il le fait pour la peine de mort. Qui est le blasphémateur ? Seulement, explique la Mishna (Sanh. 7 :5) celui qui emploierait le Tétragramme et aucun autre nom divin, ce qui réduit le champ d’application et de plus, cela ne concernerait que celui qui dit, selon R. Yoshoua bar Kohkha : « Que Yossi frappe Yossi yaké yossi eth Yossi !» dans cette expression le nom de Yossi est employé en lieu et place du Tétragramme comme un euphémisme qui le remplace. C’est-à-dire que le blasphémateur ne pourrait être condamné en tant que tel que si, comme un boomerang, il demandait une auto-destruction de l’Infini, une sorte de fin du monde, un suicide divin. En outre, il faudrait qu’il le fasse en ayant été au préalable prévenu de la peine encourue et bien évidemment qu’il y ait au moins deux témoins. En résumé, les rabbins du Talmud rendent la loi du blasphémateur inapplicable, ce qui inspire le rabbin Louis Jacobs, théologien anglais à dire « tout ce sujet est plus qu’obscur puisque d’un point de vue de la loi juive, nous n’avons pas de trace de procès pour blasphème parmi les juifs aux temps post-bibliques » (The Jewish Religion : A Companion, Oxford University Press). A noter que nokev signifie « trouer », comme si le blasphémateur apportait du néant là où il y a de l’être, en d’autres termes annihilait le shem le nom, la lettre, la pensée dans ce qu’elle a de plus élevée et de plus beau. La lettre n’est qu’évocation et non résumé, comme une caresse sur le visage aimé qui ne fait que l’effleurer par ce qu’il échappe à toute définition et qu’à tout moment il a la liberté de tourner la tête. L’autre ou le Tout-Autre n’est jamais possédé, il vous dépossède. Le mot n’est qu’évocation, d’où la tache impossible du dictionnaire à définir les mots car si l’on savait très exactement le sens d’un mot, il dirait au lieu d’évoquer et mourrait noyé dans sa littéralité. Et lorsque l’on pense au Tétragramme dont on ne sait même pas comment le prononcer, il échappe à l’infini. S’il est imprononçable ou indicible, l’injure est de fait rendue inaudible. Les rabbins ont donc rendu impraticable le blasphème malgré le texte du Lévitique. On peut se demander quelle était leur intention lorsqu’ils ont pris le contre-pied de la Torah. Il me semble que l’on peut distinguer trois raisons fondamentales :
La première est la non –sacralité du texte. Emanuel Levinas écrit : « Le sacré, en effet, est la pénombre où fleurit la sorcellerie que le judaïsme a en horreur » (du sacré au saint p.89). Le texte est comme un linge qu’on amène au lavoir, qu’il faut frotter, battre, tordre, essorer pour qu’il en ressorte presque propre et immanquablement comme le linge, il reprend la poussière et se resalit. C’est un processus continuel puisque notre conscience évolue et chaque génération doit lire et relire les textes pour les adapter au temps présent. Dire que le texte n’est pas la parole exacte de Dieu est un premier pas vers l’éloignement du blasphème et du fondamentalisme et ceci est vrai pour toutes les religions ou idéologies sacralisantes. Comme d’autres textes référents, le texte biblique n’est pas parfait : certains versets appelant à la vengeance sont en contradiction avec des enseignements dont le judaïsme a fait son essence. Se côtoient dans les textes bibliques et talmudiques des pensées extraordinaires qui dénotent d’une éthique très exigeante et toujours actuelle et des mots dont un lecteur littéral peut avoir honte par exemple sur les enfants illégitimes, sur les femmes, sur l’homosexualité. Se démarquer du texte, est la liberté extraordinaire que les Sages nous ont donnée en nous initiant à de multiples lectures, en nous disant, il ne faut peut-être pas lire ceci mais plutôt cela hakhi garsinan. Et s’il est permis de se battre constamment avec les mots, c’est que les mots ne sont pas sacrés et que parfois on peut leur faire dire le contraire de leur littéralité. Plutôt que de lire à la lettre, les Sages anesthésient des mots ou bien leur redonnent une profondeur insoupçonnée, comme si un mot était une fenêtre qui menait à mille couloirs que l’on pouvait emprunter à l’infini. Le texte est lui-même le résultat du combat de Jacob avec l’ange, de l’humain et du divin, un combat qui ne finit jamais de peur de figer le message dans une position qui serait incompatible avec une exigence éthique infinie à l’égard de toute l’humanité. Le texte et en réalité les textes, car la Bible est une œuvre composite écrite par des auteurs différents à des époques différentes, les textes sont le résultat d’un tissage élaboré entre l’humain et le divin, où le divin tel le fil bleu du taleth entremêlée avec les autres fils blancs doit être regardé et perçu comme un idéal à atteindre. Les rabbins en étaient conscients lorsqu’ils ont dit divrei torah kileshon benei adam(TB, Keritoth 11a) , « la Torah parle le langage des êtres humains ». Attribuer à Dieu la lettre du texte dans son exactitude, quel que soit le texte est une porte ouverte à l’abdication de la raison et par conséquent au fondamentalisme.
La seconde raison, est pour le judaïsme la préséance de l’action sur la parole ou la croyance. « Celui qui est aimé des êtres humains est aimé de Dieu et celui qui n’est pas aimé des êtres humains n’est pas non plus aimé de Dieu » dit Rabbi Hanina ben Dossa dans les Pirkei Avoth (III, 10), phrase souvent incompréhensible à d’autres fois. Parce que l’important pour le judaïsme est la manière dont on se comporte envers son prochain et non ce que l’on croit. Et les actes laissent davantage de traces que les paroles. Il vaut mieux accomplir des actes de justice et de générosité que de dire un mot gentil. Ce qui permet par exemple à un humoriste comme Woody Allen de dire que nous les juifs, « nous n’avons qu’un seul Dieu et nous n’y croyons pas ! » sans être pour autant traité de blasphémateur. Le Talmud décline la profanation du Nom dans des actes de la vie de tous les jours comme par exemple dans le fait de créer des dettes, de jeter le doute dans des relations commerciales ou d’abandonner un ami. C’est par les actes que nous sommes jugés avant tout et à travers eux que nous garantissons la réputation de Dieu – les actes bein adam lehavero entre les êtres humains. L’acte est une inscription, un enracinement dans le réel. L’insulte n’a aucune commune mesure avec le coup frappé et c’est ce qui nous désarçonne dans le terrorisme, comment un simple dessin peut attiser un désir de meurtre, la disproportion scandaleuse entre l’acte meurtrier et la parole aussi irrévérencieuse soit-elle. La tradition juive nous rappelle que le « dire » et le « faire » ne sont pas équivalents et que nous sommes jugés par nos actions. Les Pirkei Avoth à nouveau disent que « Celui dont les actes surpassent la science ressemble à un arbre qui a peu de branches et beaucoup de racines ; tous les vents du monde se déchaineraient contre lui, qu’ils ne parviendraient pas à l’ébranler (III,22) « C’est par ses actes, écrit Abraham Heschel, (Dieu en quête de l’homme, p.300) que l’être humain prend conscience de ce que sa vie est en réalité, de son pouvoir de faire du mal et de blesser, de démolir et de détruire, de son pouvoir d’engendrer le bonheur et de le faire partager aux autres, d’alléger ou d’accroitre ses propres tensions et celles d’autrui. […] L’acte constitue le test, l’épreuve et le risque ». Ainsi l’affirme Ovadiah Sforno : « L’effet du blasphème est nul, puisque la personnalité de Dieu n’en est aucunement affectée ». Le blasphème est rendu inexistant, il glisse sur l’Etre comme la pluie sur les plumes du canard. Comme on l’entend dire aujourd’hui : « Même pas grave ! ». Il s’agit de replacer la parole à sa juste place.
La troisième raison de l’abandon du blasphème dans le judaïsme est l’encouragement à la liberté de pensée et d’exprimer. La remise en question d’un texte, la multiplicité de ses interprétations est non seulement permise mais recherchée. Être juif, c’est questionner et la question est un antidote au fondamentalisme. Elle est salutaire et elle s’adresse à tous y compris à Dieu. Ainsi il est plus important de ne pas croire que de croire parce que le chemin du doute est celui de la raison et que l’incertitude permet le progrès. Dès lors que je sais tout, je ne peux plus rien apprendre. La question est par conséquent plus importante que la réponse, si la réponse tord le cou de la question. L’humanité selon la Genèse a été créée avec un libre-arbitre, si Adam et Eve mangent le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, c’est qu’ils doivent en tant qu’être humain à chaque pas, exercer la responsabilité du libre-choix. C’est ce qui fait d’eux et de nous des princes de la création. Ainsi aucune autorité, sous forme de texte ou de personne, de parti ou de société ne doit échapper au questionnement de la raison, à l’exigence de l’éthique, à la critique de l’humanité. Dieu, dans la tradition juive, est présenté comme asher hotsétikha meerets mitsrayim, qui t’a fait sortir d’Égypte. Ce Dieu de liberté se soumet à la critique face à Abraham qui s’exclame lorsqu’il prend connaissance de la possible punition de Sodome et Gomorrhe : « Loin de toi d’agir ainsi de frapper l’innocent avec le coupable ! hashofeth kol haarets lo yassé mispath est-ce que le juge de toute la terre n’appliquerait pas la justice ? »(Gen.18 :26) , face à Moïse qui dit à Dieu qu’il n’est pas dans Son intérêt d’anéantir tout le peuple qui a façonné le veau d’or, face aux filles de Tséloferad qui n’hésitent pas à dire que la loi divine est injuste envers les femmes, ou encore face à la femme de Job qui lui conseille de maudire Dieu et de mourir plutôt que d’écouter ses amis qui détiennent soi-disant toutes les réponses. Et toutes ces attitudes frondeuses sont considérées comme de bons exemples que nous devons suivre. Y compris lorsque des rabbins excluent Dieu en Lui interdisant d’intervenir dans une de leur discussion, citant le texte du Deutéronome « lo bashamayim hi » « la Torah n’est pas dans le ciel » et que Dieu réagit avec humour en disant « mes enfants m’ont fait rire ! ». Dieu est décrit dans les midrashim comme étant trainé devant les tribunaux humains pour répondre de ses actions, Dieu est remis en cause, tout cela est normal et même désirable car nous ne pourrions nous appuyer sur un idéal qui ne respecterait pas l’éthique. Dieu ne s’offusque pas mais Dieu pleure selon le midrash chaque fois qu’une injustice est commise par les êtres humains.
Le judaïsme est follement épris de liberté, liberté de dire, liberté de pensée, liberté d’interpréter pour lire les versets en trois D- et il ne s’agit pas là de Dieu ! Nos prophètes et nos Sages, nos rabbins et nos exégètes sont des effrontés, des frondeurs qui portent très haut l’étendard de la liberté. Ils ont rendu inopérante cette loi sur le blasphème parce la lettre n’est pas sacrée et ne doit jamais se transformer en idole, parce que le « faire » précède le « dire » et parce que la remise en question est le fondement de la liberté. Mais peut-on pour autant tout dire ?
La limite de la liberté d’expression est la loi et la révérence. L’on sait que le dire peut mener au faire et que la calomnie, l’incitation à la haine et à la violence est une diminution de l’ombre de Dieu en nous. Alors c’est la délicatesse du mot que la tradition nous conseille, les mots doux plutôt que les mots violents même si parfois il faut savoir dénoncer le mal. La relation que nous avons avec Dieu passe par celle que nous avons avec notre prochain, par la reconnaissance de son visage, par le fait de se démasquer ou se dévoiler pour pouvoir le regarder d’égal à égal, droit dans les yeux. Cette relation est en constante redéfinition parce qu’elle est un échange de questions qui restent parfois sans réponse, elle fuit les certitudes, elle chante la louange du doute et des demi-teintes, elle affirme la certitude de l’incertitude. Elle est empreinte de raffinement et de délicatesse, car les blessures des mots sont parfois bien réelles et dévastatrices. Sans museler la liberté de dire, l’attention à la parole à sa beauté et à sa bonté, à l’éthique du langage est l’exigence que nous propose notre tradition, pour saluer au mieux l’âme de notre prochain et savoir lui souffler comme des perles de sagesse, des mots d’humour, des mots d’amour. Ainsi nous pourrons prendre ahoth ketana, notre petite sœur par la main et découvrir ensemble les mots écrits sur les feuilles de l’arbre de la connaissance. Comme le dit Rabbi Nahman de Braslav, sur cette voie de questionnement, nous ne demanderons pas notre chemin, pour ne pas risquer de ne pas pouvoir nous perdre » mais nous chanterons à tue-tête « puisse l’année qui commence apporter avec elle ses bénédictions ! תָּחֵל שָׁנָה וּבִרְכוֹתֶיה
Rabbin Pauline Bebe