En effectuant des recherches sur la toile, je suis tombée sur une petite vidéo produite par un site destiné aux grands-parents : il s’agissait d’un entretien très particulier d’une petite fille adorable aux longs cheveux blonds qui s’appelait Louna, âgée de quatre ans. Le journaliste lui présentait un homme moustachu affublé d’un costume vert en plumes : « je te présente « la fée de la vérité » ! Puis, tout en lui expliquant et s’assurant que tout allait bien, il déposa délicatement sur sa tête une passoire à l’envers : « à chaque fois que tu dis quelque chose, si tu ne dis pas la vérité, il sonne » ! Tout cela était faux bien sûr ! Première question : « Louna, est-ce que tu as un amoureux ? ». La petite fille regarda la table, hésita et répondit « heu non ». Le casque sonna et s’alluma de mille feux, la fée s’agita. Le journaliste répéta la question, à laquelle la petite Louna donna une nouvelle réponse diamétralement opposée « oui » ! On ressent presque de la peine pour celle dont la vie privée est publiquement dévoilée. Mais elle n’a pas l’air pour le moins démonté. Question suivante « il s’appelle comment ton amoureux ? ». « Il s’appelle Fernando ». « Et tu vas te marier avec lui ? » Réponse « oui… Heu mais non, on peut pas ». « Mais tu vas te marier quand ? » insiste le journaliste, « heu, à 10 heures » ! « Il est grand ton amoureux ? », « Il est grand et petit », « Il mesure combien ? » Réponse : « Il peut pas attraper des ballons ». Puis Louna, comme le ferait de fins politiques, prend le contrôle de la conversation : « ben moi, j’aime bien manger des saucisses et des légumes », le journaliste réagit « c’est un légume, la saucisse ? » « Oui ! », répond-elle, le casque sonne ; « ça pousse dans les arbres, les saucisses ? » s’enquiert le journaliste. Elle réfléchit et dit très sérieusement « oui » ; « comment ça s’appelle l’arbre à saucisse ? », demande-t-il, et là ni une ni deux, elle répond « le saucissier » ; le dialogue improbable se poursuit « et il y en a beaucoup dans ton jardin des saucissiers ? » « oui » répond-elle avec assurance. Et lui d’énoncer : « ça doit être très joli un saucissier ! ». Je vous passe la suite délicieuse de l’interview sur l’usage des gros mots ! Tout en souriant devant cette vidéo trop choute, je me disais « ah, si cette année, nous avions pu disposer de détecteurs de mensonge, de fées de la vérité, ces passoires renversées sur la tête de tous ceux qui avaient fait des déclarations publiques…peut-être qu’il y aurait eu moins …d’antisémitisme ! Comment distinguer le vrai du faux ? Comment faire en sorte que les mots ne soient pas porteurs de haine et que l’on puisse distinguer des propagandes de guerre d’une vérité ? Comment informer sans tromper ? Depuis le 7 octobre, pour savoir ce qui se passe vraiment, nous avons dû devenir de vrais détectives de l’information. Pour me faire une idée de ce qui se passait en Israël, il fallait en effet que chaque jour j’écoute ou je lise plusieurs sources d’informations dans des langues différentes pour essayer tant bien que mal de comprendre la réalité du terrain et que je m’y rende. Le delta était impressionnant comme si parfois on avait l’impression de changer de planète d’une source à l’autre et que l’on ne parlait pas de la même chose. Et lorsqu’on essayait d’introduire de la nuance face à des interlocuteurs imprégnés de préjugés, on était immédiatement accusé de faire de la propagande. A tel point que je finissais par dire « au moins, écoutez la propagande des deux côtés » ! Etant juifs, on était d’emblée qualifiés de subjectifs, partisans, qui plus est si on avait de la famille en Israël, ce qui est somme toute assez commun pour des juifs. On nous regardait alors de manière condescendante ou horrifiée. Du jour au lendemain, tout un chacun était devenu un expert d’un contexte géopolitique très complexe, les contrevérités étaient répétées, amplifiées, scandées dans les manifestations et sur les réseaux sociaux. Les mots étaient dévoyés de leur sens. Et au bout des mots, des actes, synagogues incendiées, insultes proférées, vols et viols perpétrés nous faisant vivre un peu à l’unisson ce qui se passait là-bas dans un pays que beaucoup ne savent même pas placer sur une carte. Alors oui ce détecteur de mensonge et cette fée de la vérité aurait été bien utiles !
Que dit notre tradition sur le mensonge et la vérité ? Pouvons-nous maintenir nos valeurs dans un monde qui, tout en multipliant la communication, affaiblit la caractère précieux des mots, un monde où plus que jamais les mots sont des armes et, comme le disait le midrash, sont plus forts que l’épée : « Le mot prononcé à Rome peut tuer en Syrie » (Genèse Rabba 98 : 23).
Pour parler de la vérité, faisons le détour par le mensonge. Dans la première interaction entre Dieu et l’être humain dans la Genèse est ce fameux ayeka où es-tu, question posée par Dieu à Adam. Et Adam répond « j’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai eu peur, parce que je suis nu (ou rusé) et je me suis caché ». Incroyable premier dialogue entre le Créateur et Sa créature ; il y est en effet question de dissimulation et de mensonge. L’être humain se cache, ayant désobéi, il dissimule la réalité. « Qui t’a appris que tu étais nu (ou rusé), cet arbre dont je t’avais défendu de manger, tu en as donc mangé ? » rétorque Dieu. Puis, suit ce rejet de la responsabilité sur la femme, et à son tour la femme accuse le serpent. Tout est déjà là dans ce premier dialogue, mensonge, fake news, faits alternatifs, omission dans la transmission, rejet de la faute sur l’autre. Bref, on n’a rien inventé ! Tout se passe comme si avec la parole venait le mensonge, cette capacité à ne pas dire ce qui est, à ne pas dire ce que l’on pense, à se montrer rusé face à un interlocuteur, aussi divin fût-il. Parler s’avère être un choix permanent, celui de sélectionner ses mots, les mots justes ou injustes, les mots qui maquillent ou qui disent vrai, au plus près. Comme si le visage venait avec un masque, que l’on choisissait quelle face montrer à l’autre. Lorsque les sentiments sont à fleur de peau, entre amoureux, entre vrais amis, on laisse percevoir la couleur des sentiments, mais dans les autres interactions plus politiques, on s’échappe, on dissimule, on garde un masque. Rappelons la phrase rebelle d’Oscar Wilde : « Si un homme manque d’imagination au point de ne pouvoir produire de preuves à l’appui du mensonge, il ferait mieux de dire la vérité tout de suite. L’homme est moins lui-même quand il est sincère, donnez-lui un masque et il dira la vérité ! ». C’est pour cette raison peut-être que « nu » ‘arom signifie aussi « rusé » en hébreu. Pour être vrai, il faut se vêtir, on peut se vêtir de bigdei or de vêtement de lumière ou d’obscurité ou encore d’une cape d’invisibilité. Mais la nudité est la ruse, d’ailleurs quand un discours commence par « A dire vrai, pour être honnête, si je dis la vérité » toutes ces expressions jettent un nuage de doute sur le discours entier. La vérité qui s’annonce, se dit, se souligne, se met en relief, est souvent un tissu de mensonges ! Car la vérité devrait s’apercevoir entre les lignes, elle n’est jamais grossière, jamais hyperlative, jamais insultante, jamais à l’emporte-pièce. Cependant qui aujourd’hui se soucie des nuances ? « La vérité pure et simple est très rarement pure et jamais simple » poursuit Wilde ! La vérité ne peut être scandée tel un slogan !
La Genèse nous parle d’un début, avec le début de la vie vient l’usage du langage, babillement d’abord puis formulation de mots. Et cette découverte du langage s’accompagne chez le petit enfant de la capacité à dire le faux. Si l’histoire italienne écrite par Carlo Lorenzini en 1881, qui porte le nom de « Pinocchio » a rencontré le succès qu’on lui connait, par cette drôlerie du nez qui s’allonge à chaque fois qu’il ment, c’est bien qu’elle correspond à une réalité à laquelle chacun peut s’identifier. Que de nez de Néfertiti, si cela était vrai ! L’imagination veut trouver des moyens de déjouer le déguisement des mots. Janusz Korczak, médecin défenseur du droit des enfants, qui a été déporté, parle du droit de mentir de l’enfant, car pendant un certain temps l’enfant ne distingue pas nettement la frontière entre le réel et l’imaginaire et il peut inventer des histoires que l’on appelle gentiment des carabistouilles. Le « saucissier », cité plus haut, en est un exemple. La capacité de mentir est l’aptitude aussi à échapper au contrôle de l’autre, tout comme les réseaux de Résistance ont appris aux enfants juifs à mentir sur leur identité pour avoir la vie sauve. C’est devant le juge que l’on doit dire « la vérité, toute la vérité, rien que la vérité », expression attribuée aux écrivains dits « réalistes » qui pensaient s’engager à retranscrire le réel sans le traduire ou le transformer. Mais le réel a toujours plusieurs facettes, il est vu, lu, peint, décrit, interprété selon l’auteur. Une même histoire peut être vécue de manière différente, la vérité se situe parfois entre les récits et il est difficile de la saisir en la simplifiant, en la réduisant à sa nudité.
Le judaïsme n’a jamais défendu la vérité à tout prix, à tout crin, car le bien et la paix la surpassent. Si Augustin ou Kant disent qu’il ne faut mentir sous aucun prétexte, même pour échapper à des barbares, la tradition juive voit l’attitude d’Abraham ou d’Isaac, qui ne veulent pas que leur femme soit violée et qui disent qu’elles sont leur sœur, comme des actes de bravoure. De même Rahav, dans le livre de Josué, prostituée qui cache les explorateurs et ment pour leur sauver la vie, est considérée comme une juste. Esther, qui cache son origine pour pouvoir sauver son peuple du cruel décret d’Haman, est louée aussi pour son stratagème intelligent. Lorsque Samuel (I Samuel 16 :2) craint que Saül ne le tue, c’est Dieu qui invente un stratagème pour qu’il fasse croire qu’il apporte un sacrifice alors qu’il va sacrer roi celui choisi par Dieu, David. Le shaa’t hadehak, le temps d’urgence, justifie de s’écarter de la vérité s’il faut sauver des vies. Le caractère précieux de la vie excuse le mensonge, le rend même nécessaire. La paix du ménage shelom bayit également est considérée comme suffisamment importante pour que Dieu dissimule à Abraham que Sarah a dit qu’il était trop vieux pour avoir des enfants. Et la paix, shalom, est une raison suffisante pour modifier notre discours. Le traité Yevamoth (65b) nous dit qu’ il est permis de s’écarter de la vérité afin de promouvoir la paix, et rabbi Nathan ajoute que cela est obligatoire ».
D’une vérité violente et crue voici ce que le philosophe Vladimir Jankélévith dit : « Et cette vérité est pire que l’imposture, pire que la calomnie ; par exemple quand on dit une vérité qui tue, et qu’on la dit pour tuer. A ce compte, plutôt se tromper en toute bonne foi que de dire le vrai dans un esprit de malveillance… si l’on a tort d’avoir raison sans savoir pourquoi l’on a raison, on a mille fois plus tort encore d’avoir raison sans amour ni charité, (Les vertus et l’amour, p.188) ». Et Herman Cohen (Religion of Reason, pp.412-425) soulignait que la notion de vérité ne peut être séparée de celle de la bonté, hessed et emeth se suivent dans l’énumération des attributs divins. Trois autres cas sont cités par le Talmud qui autorisent de contourner la vérité : (TB, BM 23b-24a) il est permis pour un érudit de dire qu’il ne connait pas une partie du Talmud même s’il la connait et ceci par humilité, non pas, disent les rabbins, dans un contexte de transmission mais de mise à l’épreuve. Il est permis de mentir concernant sa vie privée car la vie privée doit rester privée. Il s’agit là d’une question indiscrète à laquelle on peut répondre de manière évasive. Dire tout sur soi ou sur l’autre ne constitue en rien un devoir moral. Comme s’il fallait savoir garder un voile pudique et ne pas s’exposer au public, garder une poésie du « je ne sais pas » ou « pas encore ». Et enfin pour protéger son hôte, il est permis de mentir sur l’hospitalité. Il s’agit là de protéger celui qui est accueillant d’une possible exploitation, comme on doit taire le nom de donateurs pour qu’ils ne soient pas harcelés.
Ailleurs, les compliments sont aussi l’espace de fioritures, toujours dire que la mariée est belle et gracieuse selon Hillel, complimenter quelqu’un sur un nouvel achat – l’idée étant que le silence ou le compliment limité équivaudrait à une ‘onaat devarim, c’est-à-dire une blessure par les mots. Entre Shammaï qui soutient qu’il ne faut dire que la stricte vérité et pas davantage et Hillel qui dit qu’il faut toujours complimenter, se trouve sans doute le compromis du juste compliment, sincère et non exagéré, celui qui par derekh erets, par politesse s’intéresse et salue l’humanité de l’autre : le ou la mariée ne sont-ils pas toujours beaux aux yeux de leur conjoint ?
Mais alors si le mensonge est toléré pour le bien, cela signifie- t-il que dire la vérité n’a plus d’importance ? Que nous pouvons répéter ce qui nous est dit sans le vérifier ? Que la vérification des faits, leur véracité, la justesse de nos mots est égale, que tout est relatif ou subjectif ? Non, bien au contraire ! Les cas où le mensonge est autorisé sont des cas très limités, des cas où le bien et la vérité sont en concurrence, où la paix et la vérité ne pourraient être maintenus ensemble, où trouver des demi-mesures verbales constitue un dilemme éthique.
La tradition juive considère que la vérité est un attribut divin : emeth, nous le répétons pendant ces fêtes. Nous comporter selon un idéal divin consiste à nous approcher le plus possible de la vérité. Selon un adage talmudique « le sceau du Saint béni soit-Il est la vérité » ! (TB, Shab. 55a ; Yom.69b ; Sanh. 64a).
C’est dans l’Exode (23 :7) que l’on trouve l’injonction « midevar sheker tirhak éloigne toi de la parole mensongère » et nombreuses sont les sources bibliques et rabbiniques qui la soulignent. Rashi commente le verset en disant que Dieu est premier, dernier et éternel comme les trois lettres du mot emeth, alef, mem et tav sont au début, au milieu et à la fin de l’alphabet hébraïque. Emeth est ce qui résiste au passage du temps. Les rabbins expliquent qu’à l’inverse le mot sheker est composé de trois lettres qui n’ont qu’une jambe shin, kof, et resh, elles sont dans un équilibre précaire tandis que les trois lettres de emeth, la vérité, ont deux jambes. Cette idée de stabilité nécessaire au mouvement, à la marche, apparait dans la conjonction commune des deux mots emeth veemouna, probablement de la même racine et qui renvoient à l’idée de pierre, de construction et de confiance. Le monde ne peut exister sans confiance, sans stabilité et sans vérité. Si chaque mot est remis en cause, la communication est d’emblée ébranlée. Les relations humaines ne peuvent se construire que dans un climat de confiance où l’on dit la vérité. Ce qui est dit dans le traité Pessahim 113b : « Le Saint, béni soit-Il, hait celui qui dit une chose avec sa bouche et une autre avec son cœur ». La duplicité est à éviter à tout prix pour que l’on puisse travailler, construire, établir des liens. Nous lisons dans les Pirkei Avoth (1 :18) cette phrase attribuée à Rabban Shimon ben Gamaliel : « le monde repose sur trois choses : la justice ou din le droit, la vérité et la paix » comme il est dit (Zacharie 8 :16) : « voici ce que vous devez faire daberou emeth ish eth re’ehou, parlez vrai l’un à l’autre, rendez des sentences de vérité et de paix dans vos portes. Ne méditez dans votre cœur aucune méchanceté l’un contre l’autre, n’aimez pas le faux serment car toutes ces choses je les hais, dit l’Eternel. » On comprend aisément que la notion de vérité soit liée à celle de justice car il n’est point de justice sans vérité des faits, et la justice à son tour amène la paix. L’être humain, comme le symbolisent les tefilin ou phylactères apposés sur le bras et entre les yeux, doit faire coïncider le mieux possible sa pensée, ses actes et ses paroles. La communauté en ce qu’elle est ‘eda, composée de ‘edim, témoins, certifie une réalité certes changeante mais tangible. Raphaël Draï écrivait (« Le concept de vérité dans la pensée juive », Cairn) : « La vérité n’est pas compacte mais cinétique et respiratoire ». Il explique qu’elle se découvre dans un dialogue, dans le souffle de ceux qui étudient ensemble. La confrontation des faits, des idées, des versions et des interprétations est essentielle à l’établissement d’une essence de vérité, emeth « Il n’est pas de justice sans vérité mais la finalité de la vérité ne saurait être autre que la paix, ce qui commande nécessairement des modalités de sa formulation et de sa communication inter-humaines » (R. Draï). Ainsi pour ne pas dire que l’être humain est menteur et trompeur haadam kozev (Psaume 116) et garder l’espoir de la poursuite d’un chemin de vérité, chacun se doit de rechercher la vérité et d’en être si possible un garant. Rappelons-nous c’est la retransmission tronquée et inexacte de l’ordre divin de ne pas consommer de l’arbre du milieu du jardin qui provoque la désobéissance. L’interdiction de ne pas y toucher a été ajoutée à celle originelle de ne pas en manger. A partir du moment où l’on y touche et qu’il ne se passe rien, alors le fruit est appétissant et l’on poursuit par la consommation. Cette distorsion du langage amène le désordre tout comme aujourd’hui employer des mots inexacts ou cacher une partie de la vérité entraine des actes agressifs quand ce n’est pas purement et simplement des appels à la violence. Le mensonge sheker est un désordre du mot kesher lien. Celui qui est kozev, trompeur, cherche par son truchement à prendre le pouvoir sur autrui. Sa distorsion de la réalité telle qu’il la connait, ou d’une vérité subjective érigée en vérité universelle, lui donne un avantage sur celui qui gobe son mensonge et qu’il peut aisément manipuler. Comment donc prévenir ce langage qui détruit au lieu de construire, qui défait les liens au lieu de les créer, qui tue au lieu de créer ? Comment observer le commandement « tu n’invoqueras pas le nom de l’Eternel à l’appui du mensonge ? » (Ex. 20 :7), comment éviter tout endoctrinement qui soumet la déclinaison des détails à des principes politiques, autrement dit qui fait correspondre le langage à une hypothèse première plutôt que de partir de la réalité pour tracer un principe général. La recherche des faits doit se faire de la manière la plus scientifique et objective possible sans que l’on soit convaincu de la conclusion au préalable. Et cela même si la vérité nous donne tort où même si l’on s’aperçoit que certains d’entre nous attisent aussi la haine. Il faut savoir les dénoncer. L’on sait aussi qu’ « il ne faut pas suivre la majorité pour faire le mal » (Ex. 23 :2). L’opinion répandue, commune, diffusée sur la toile, le nombre de clics n’est pas un critère de véracité, la popularité non plus.
La tentation est présente d’abandonner mais cela nous est impossible. Rétablir la vérité est de notre devoir, de notre mission. A. Heschel disait « il y a toujours des imitateurs mais l’abondance des imitations et des contrefaçons ne compromet jamais la valeur de ce qui est authentique (p. 245 Dieu en quête de l’homme’). Même si les mensonges nous blessent, par petites touches, nous devons tenter de chercher la vérité en poursuivant la justice et la paix. Terminons par ce midrash qui nous montre que ces dilemmes étaient présents il y a bien longtemps : lorsque Dieu voulut créer l’être humain, certains anges s’y opposèrent, d’autres se réjouirent (Ber. Rabba 8 :5). L’amour dit : « qu’il soit créé car il prodiguera des actes d‘amour ». La vérité dit : « il ne doit pas être créé car il est plein de fausseté ! ». La justice dit : « qu’il soit créé car il agira avec justice ! La paix dit : « qu’il ne soit pas créé car il est plein de venin ! » Que fit l’Eternel ? Il prit la vérité et la jeta à terre. Les anges du service divin s’étonnèrent et dirent au Saint béni soit-Il : « Maitre de l’univers, pourquoi méprises-tu ton sceau ? Que la vérité surgisse de la terre, c’est pourquoi il est écrit, « la vérité germera du sein de la terre » (Psaume 85 : 12) emeth merets titsemah.
Alors en l’absence de passoire et de détecteurs de mensonge, de fée de la vérité et de saucissier, ne laissons pas la vérité être foulée au pied mais faisons en sorte de la semer et de la faire germer dans les esprits de ceux qui la cherchent, veulent établir la justice et construire la paix.
Rabbin Pauline Bebe